L'Oise est libérée

39-45 la recherche avance

Les 18 et 19 mars se sont tenues à l'Hôtel du Département et aux Archives de l'Oise deux
journées d'études sur l'état de la recherche dans l'Oise. Compte rendu.

Le système d'exploitation économique et sociale établi par les Allemands, 1940-1944

Par Françoise Rosenzweig, Docteur en histoire

e système d'exploitation économique et sociale mis en place par les Allemands dans l'Oise avait pour objectif de détourner une partie essentielle des ressources disponibles au profit du Reich et de son effort de guerre.
Il s'est déployé en plusieurs  phases: après le pillage en 1940, les forces d'occupation ont instauré un système d'exploitation plus méthodique, mis en œuvre par des prélèvement directs de ressources agricoles et des prélèvements indirects dans le secteur industriel, grâce à la sélection des entreprises, au contrôle des commandes et des approvisionnements, à la menace des fermetures d'usines et à la pression sur les prix et sur les salaires. A partir du printemps 1942, l'Oise est au service de la guerre totale et l'occupant adopte une nouvelle cible, la main-d'œuvre, avant de reprendre, au printemps 1944, sa pratique du pillage.
A l'issu de quatre années d'occupation et d'exploitation de ses ressources, l'Oise accuse un impressionnant  retard agricole et industriel. L'occupant a épuisé les stocks, détruit les circuits commerciaux et interdit le renouvellement de l'outillage. L'équilibre économique du département a été profondément modifié au profit du bassin creillois.

Le II Jagdkorps à Gouvieux 1942-juillet 44

Par Frédéric Gondron, Président de la Société Historique de Gouvieux

a proximité de paris mais aussi des côtes de la Manche a fait de l'Oise un lieu d'installation privilégié pour l'armée allemande. On ne compte plus le nombre d'unités qui se sont établies dans le département entre juillet 1940 et juillet 1944. Certaines de ces unités sont bien connues, mais d'autres le sont moins comme ce poste de commandement de la Luftwaffe (le II Jagdkorps) qui s'installa à Gouvieux lors du dernier trimestre 1942. Il y resta jusqu'au mois de juillet 1944. Certaines de ces unités sont bien connues, mais d'autres le sont moins comme ce poste de commandement de la luftwaffe (le II Jagdkorpas) qui s'installa à Gouvieux lors du dernier trimestre 1942. Il y resta jusqu'au mois de juillet 1944.
Le II Jagdkorps dépendait administrativement de la >Luftflotte 3 (Paris) pour le personnel et la logistique. Mais en ce qui concerne les opérations militaires, le II Jagdkorps recevait ses ordres directement de la Luftflotte Reich (Berlin). En effet, le II Jagdkorps avait pour mission d' »aiguiller » le ciel français. Il rapportait la situation générale aérienne directement à la plus grande instance aérienne de la Luftwaffe, qui ensuite lui transmettait ses ordres pour répartir les missions sur différentes unités aériennes basées en France. Afin de transmettre ces différents ordres, le II Jagdkorps avait sous ses ordres d'autres postes de commandement. Ce poste de commandement était abrité sous un énorme bunker de 500m², bunker lui-même abrité des regards dans le vaste domaine des fontaines. La présence d'un château dut une fois de plus charmer les allemands friands de ce genre d'endroit. L'importance de la mission du II Jagdkorps amena un grand nombre de soldats (nombreux officiers) de la Luftwaffe (des hommes, mais aussi des femmes, spécialisés dans les transmissions, le repérage, le traçage de cartes, des météorologues…) à y travailler. Pour l'entretien du château et du domaine et pour différents travaux, des femmes de ménages, des agriculteurs, des artisans…
Deux dates en particulier marquèrent le II Jagdkorps à Gouvieux, le 6 juin 1944 et le 9 juin 1944, jour d'une réception au château, donné par le commandant de la ppace, quelques semaines seulement avant que ce poste de commandement ne quitte le territoire français.

Les activités aérienne dans l'Oise

Par Marc Plot, professeur d'histoire-géographie

a Seconde guerre mondiale fut une guerre technologique et l'aviation y joua un rôle de tout premier plan. Si les habitants de l'Oise virent de nombreuses cocardes pendant la drôle de guerre, les soldats se plaignirent amèrement par la suite d'un ciel envahi de croix noires.
Durant l'occupation, la majorité des troupes stationnées dans le département appartenait à la Luftwaffe et à ses services. L'Oise occupait alors une position stratégique dans le cadre de la bataille d'Angleterre tout d'abord, puis dans l'interception à l'aller vers l'Allemagne ou au retour. Cette présence importante de la Luftwaffe entraîna des bombardements fréquents des aérodromes, preuve tangible pour le population que la guerre continuait et que la balance commençait à pencher du côté des alliés. Cette même population fut à maintes reprises durement touchée par les bombardements des voies de communication, gares et ponts en particulier, alors que la libération approchait.
C'était par la voie des airs que s'effectuaient pour la Résistance les liaisons avec l'Angleterre, Résistance qui contribua remarquablement à l'évasion des aviateurs. C'était du ciel enfin que les nouvelles tombaient sous forme de tracts pour informer et entretenir l'esprit de la population civile.

Formerie, des Juifs en sursis, 1942-1944

Par Francis mercier, professeur agrégé de lettres modernes.

A la fin du mois de mai 1942, plusieurs membres de quatre familles juives, refoulés de Rouen par les « autorités d'occupation », s'installent à Formerie. Trois questions se posent: Pourquoi avaient-ils quitté leurs pays d'origine, la Pologne, la Galicie autrichienne, la Roumanie, Salonique ? Pourquoi ont-ils étaient expulsés de Seine-Inférieure , Et pourquoi avoir choisi comme « exil » la « Sibérie de l'Oise » ?
Mi-juillet 1942, le « vent printanier » souffle aussi sur l'Oise. Sur l'ordre de la police régionale de sécurité allemande de saint Quentin, la première rafle est organisée. Un beau soir d'été, les gendarmes de formerie procèdent aux deux premières arrestations. Qui sont les juifs arrêtés, dans l'arrondissement de Beauvais ? Et pour quels destins ? Avant la seconde et dernière rafle de janvier 1944, comment se sont passés, pour ceux qui ont été épargnés, ces seize mois de sursis à Formerie ? Le 4 janvier 1944, la Feldgendarmerie arrête les deux femmes juives et leurs enfants.
Fin 1944, l'Oise est libérée. Quels survivants à l'Holocauste ? En mars 2005, qui ne peut se souvenir et qui ne le veut pas?

Aspects de la reconstruction dans l'Oise, 1940-1945

Par André Thibault, docteur en géographie

es sources de documentation se multiplient depuis les années 1990. De 1940 à 1945, administrations, communes et sinistrés préparent la reconstruction. Les premières tâches sont de recensement, de remembrement. Le nombre, la diversité des bâtiments détruis imposèrent de nombreux rectificatifs. Le déblaiement exigeait une solution rapide. Quant au remembrement, il fallut souvent reconstituer parcellaire et cadastre.
La reconstruction des années 20 était exemplaire, par ses erreurs; dès 1941 naît la délégation à l'Equipement National. Pour l'Oise cette nouvelle administration s'installa à Voisinlieu et prit nom, en 1945, de MRU. Un corps d'urbanistes architectes fut crée en 1941 et chaque commune sinistrée se vit doter d'un architecte-urbaniste responsable.
Fréquemment, un ou deux mois après les destructions, administrations et municipalités décidèrent de définir un plan, pour reconstruire et aménager. Les villes disposaient de celui des années 1920, imposé aux communes de plus de 5000 habitants. Il fallait l'ajuster aux nouvelles exigences urbanistiques. Les discussions furent longues, conduisirent, parfois, au rattachement de communes voisines. Dès 1942 naissent les premiers plans d'aménagement et de construction.

L'historiographie de la Résistance isarienne à l'épreuve de l'ouverture des archives et de la recherche historique

Par Jean-Pierre Besse, docteur en histoire, président de résistance 60

epuis une vingtaine d'années, l'ouverture des archives publiques concernant la période 1939-1945 et le développement des études historiques portant sur l'occupation et la résistance dans le département de l'Oise ont permis des avancées significatives dans l'historiographie isarienne.
Jusque-là l'histoire de la résistance, comme dans de nombreux départements, étaient écrite à partir des témoignages des acteurs ou de documents produits postérieurement à la période.
Ma communication vise à présenter les avancées (histoire des mouvements, des réseaux, des actions…) et à déterminer en quoi elles modifient la vision de cette période.
Trois axes en forment le fil conducteur:

  • L'arrière-plan économique et sociél en s'appuyant sur la thèse de Françoise leclère-Rosenzweig mais aussi sur les travaux menés sur les Juifs de l'Oise et les enfants cachés.
  • Les relations de la Résistance avec l'extérieur
  • Une première ébauche d'une sociologie de la résistance isarienne. Le chantier à ce niveau est à peine ébauché.
Cela conduit naturellement, en conclusion, à s'interroger sur les enjeux politiques de l'historiographie de la Résistance.

L'amalgame des forces de résistance l'Oise dans l'armée régulière, 1944-1945: aspects militaires et politiques

Par Jean-Yves Bonnard, professeur d'histoire-géographie

'amalgame des forces de résistance de l'Oise dans l'armée régulière découle d'une étape préalable de regroupement des différents mouvements et réseaux clandestins au sein des forces Françaises de l'intérieur.
Au cours de l'été 1944, les luttes d'influence entre les groupes tourneront à l'avantage de l'Organisation Civile et Militaire et de la Libération-Nord qui imposeront, à la Libération, leurs dirigeants au sein des structures administratives et militaires départementales. Leurs meneurs deviendront ainsi les chefs de bataillons des 60ème et 51éme régiments d'infanterie en cours de reconstitution, qui combattront dans les Ardennes, dans les poches de dunkerque et de saint-Nazaire.
Si l'amalgame dans l'armée régulière des forces de résistance de l'Oise servira de modèle par sa réussite et son dynamisme, il a pu susciter des critiques, de l'amertume, voire des regrets…

Les élus de l'Oise sous l'occupation et à la Libération: l'exemple des radicaux socialistes

Par Grégory Narzis, maître en histoire

e parti Radical-Socialiste domine la vie politique isarienne jusqu'en 1940. Fort de réseaux extrêmement puissants dans le monde associatif et intellectuel, il dispose également de relais d'opinion importants avec sa presse locale. La formation de la Place de Valois dirige le Conseil général et un nombre important de mairies. Même constat au niveau de la représentation parlementaire où quatre des six députés du département appartiennent au mouvement d'Herriot et de Daladier.
L'influence des radicaux est à son apogée au cours des années trente. Mais ce tableau de chasse presque idyllique s'effondre littéralement avec la seconde guerre mondiale. L'occupation bouleverse le paysage administratif et politique de l'Oise.
Bien que les édiles radicaux n'aient pas à rougir dans l'ensemble de leur comportement, ces derniers sortent néanmoins profondément affaiblis des années noires.
Les représentants valoisiens, mal préparés à contrer le désintérêt grandissant des électeurs à leur égard, enregistrent des échecs cuisants. Certains élus réalisent que le retour à la prédominace passée n'est qu'une illusion et qu'il est temps de trouver de nouvelles alliances, sources inévitables d'affrontements internes.
Conséquences directes de la guerre, les divisions minent les radicaux à la libération et accélèrent un crépuscule inimaginable quelques années auparavant dans une région qui se voulait être un bastion électoral.

Trois maires sous l'Occupation dans le Valois

Par Eric Dancoisne Professeur d'Histoire-Géographie

ntre maire sous l'Occupation, c'est incontestablement tourner le dos aux pratiques républicaines puisque le régime de Vichy, par sa loi du 16 novembre 1940, a profondément remanié ou dissout les Conseils municipaux.
Les trois chefs-lieux de cantons du Valois n'échappent pas, par conséquent, à la politique réactionnaire du maréchal Pétain. Néanmoins, les maires maintenus ou nommés ont des responsabilités inégales selon le type de présence allemande.
Crépy-en-Valois (5 500 hab) abrite une Ortskommandantur alors que les deux autres communes, Nantuil-le-Haudouin (1 400 hab) et Betz (550 hab), ont en leurs murs une annexe de la Kommandantur de la capitale du valois. De ce fait, le député maire de Crépy, jean vassal, est un homme davantage exposé. Cela n'empêche pas les deux autres maires de récupérer tout comme lui les ordres allemands (étas des récoltes, réquisitions, ordre public, recensements des personnes).
L'occupation révèle les hommes tels qu'ils sont: les trois maires sont maréchalistes en  1940-41 mais tous n'ont pas la même attitude politique devant l'ennemi.

Archives publics, archives privées, la quête des sources

Par Bruno Ricard, Directeur des Archives départementales de l'Oise

a quête des sources, celle que mène l'archiviste, est un nécessaire préalable au travail de l'historien. Des centaines de milliers de dossiers produits par les administrations pendant la Seconde Guerre mondiale sont conservés dans les services d'archives publics français. Ces fonds, désormais aisément accessibles, sont à la fois riches et lacunaires, des archives ayant été perdues, volontairement ou par négligence. La collecte n'est cependant pas achevée, de nombreuses administrations conservent encore, notamment dans l'Oise, des archives de cette période qui seront progressivement versées aux archives départementales.
Ire e la seconde guerre mondiale ne peut néanmoins être écrite à partir des seules archives publiques. Le recours aux archives privées se révèle indispensable pour étudier certains aspects (la résistance par exemple), les archives publiques ne présentant qu'un angle de vue parmi d'autres, et étant parfois particulièrement déficientes. La sauvegarde des archives relatives à la seconde guerre mondiale détenues en main privées fait actuellement l'objet d'une campagne nationale de sensibilisation organisée par les ministères de la Culture et de la défense et les fondations de la résistance et pour la mémoire de la déportation, qui, soutenue par un travail en profondeur mené par certains chercheurs, a déjà des résultats significatifs dans l'Oise.

Les sources de l'histoire de la Seconde guerre mondiale conservées à l'Office national des Anciens Combattants

Par Philippe Dumont, Directeur de l'O.N.A.C. de l'Oise

ntervenant depuis 1916 au profit du monde combattant, l'O.N.A.C., à l'image de nombreuse administrations, produits de nombreuses archives en rapport avec l'ensemble de ses activités. A ce titre, celles qui détient dans le cadre de la reconnaissance des droits des combattants et des victimes de la Seconde guerre semblent dignes d'intérêt. Pourtant, ni l'O.N.A.C. ni ses services départementaux n'accueillent de chercheurs, d'étudiants ou d'historiens.
Quelle est la nature de ces sources documentaires, quel intérêt représente leur exploitation ? La réponse à ces questions et la présentation d'exemples extraits des dossiers individuels des ressortissants, des registres et des correspondances administratives pourrait inciter les chercheurs, à travers les archives de l'O.N.A.C., à retrouver la mémoire des victimes de guerre. Cette quête pourra se heurter à plusieurs obstacles: les délais légaux de communicabilité, la gestion parfois chaotique des archives… qui ne peuvent suffire à décourager les historiens.
Dans le cadre de la recherche historique couvrant la période allant de l'entre-deux guerres jusqu'à l'après Seconde Guerre mondiale, les sources de l'O.N.A.C., complémentaires de celles détenues par les services d'archives, ne peuvent être négligées.

Monuments, Stèles, inscriptions (extérieures) intéressant la seconde Guerre mondiale dans l'Oise

Par Philippe Bonnet-Laborderie, professeur agrégé d'histoire-géographie

utre les écrits qui restent primordiaux et quelques photographiques, la mémoire de la Seconde Guerre mondiale est assurée dans notre vie quotidienne par la présence de nombreux témoignages extérieurs: noms de rue, plaques ou stèles commémorant un épisode tragique de la guerre (morts de soldats, chute d'un avion…) ou de l'occupation allemande (arrestation ou décès de résistants, massacres…).
Les inscriptions commémorant ces événements sont en général assez simples. Un nom ou une liste, une ou des dates, quelques fois le lieu et les circonstances de la mort de la victime.
La plupart des communes de l'Oise ont rajouté sur leur monuments aux morts, élevés généralement après la guerre de 14, les noms des victimes militaires et civiles de 39-45. Y figurent aussi souvent ceux de déportés et de résistants. Restent enfin les tombes des aviateurs et militaires du Commonwealth, enterrés là où ils ont disparu, celles des compagnons de la libération, les cimetières militaires français et étrangers.

Le projet de mémorial de l'Internement et de la Déportation de Royallieu

Par Joël Dupuy de Mery, adjoint au maire de Compiègne, délégué aux Anciens Combattants

n projet de mémorial de l'Internement et de la Déportation doit voir le jour sur le site même du Camp d'Internement de Royallieu, à Compiègne, dans les prochaines années. En effet, depuis 2004, les lieux ont été rétrocédés par l'armée à la ville de Compiègne, qui a entrepris un vaste plan d'urbanisation.
Le Mémorial a pour objectif de devenir un espace de référence et d'explication du système d'occupation oppressif et répressif nazi, de portée régionale et internationale, fondé sur l'authenticité préservée de deux bâtiments d'époque. Deux axes soutiennent le projet: hommage et souvenir des internés, à travers leurs témoignages; compréhension et réflexion, à travers une double approche historique et pédagogique, contribuant ainsi à un indispensable travail de mémoire.